Convention ESR EELV Lyon 1/10/11 – Note « Vie étudiante. Des étudiants autonomes et acteurs de leur parcours » – Synthèse des débats préparatoires de la commission ESR EELV, rédigée par Gaël Roustan
Télécharger la note en PDF (172 Ko)
Créer l’allocation d’autonomie pour les étudiants
Objectifs :
- démocratisation de l’enseignement supérieur
- accès à l’autonomie pour les jeunes
- formation tout au long de la vie
En 2011, la démocratisation des formations d’enseignement supérieur reste un leurre. Une étude menée par l’Insee sur l’origine socioprofessionnelle des étudiants français montre que seuls 9 % des étudiants sont issus de familles d’ouvriers et 12 % d’employés1. Les inégalités se creusent après la licence. Par ailleurs, 35 % d’entre eux cumulent études et emplois2, constituant l’un des réels facteurs de l’échec en premier cycle. Le taux de pauvreté des jeunes de moins de 25 ans est quasiment le double des actifs adultes3.
C’est pourquoi les écologistes, dans la perspective de promouvoir une formation tout au long de la vie, de permettre à tous d’accéder aux formations d’enseignement supérieur et de contribuer à l’autonomie des étudiants, en particulier les jeunes étudiants, doivent d’une part porter avec force la mise en place d’une allocation d’autonomie pour les étudiants4, d’autre part refuser toute augmentation des frais d’inscription dans les universités françaises.
L’allocation d’autonomie pour les étudiants fonctionne selon le principe d’un « crédit temps formation » de 16 semestres, utilisable tout au long de la vie (en formation supérieure, initiale ou continue) et pour tous les étudiants. Elle se compose d’une part incompressible versée à tous, dont le montant reste à préciser mais qui pourrait s’élever autour de 300 € et d’une part variable indexée aux revenus de l’étudiant s’il est autonome ou à celui de ces parents (s’il est encore fiscalement rattaché à leur foyer). L’ensemble de l’allocation est versée sur 12 mois. L’objectif est de permettre à chaque étudiant qui souhaiterait ne plus dépendre de ses parents de vivre dignement sans avoir à travailler à côté pour financer ses études.
Cette allocation serait financée en grande partie par la suppression du système actuel de bourses (largement insuffisant et pénalisant par ses effets de seuils, en particulier pour les classes moyennes) et de la demie part fiscale dont bénéficient les parents d’étudiants imposables à l’impôt sur le revenu (plus la famille est riche plus elle est aidée par ce système !). Il faut tenir compte dans son financement des économies provoquées par ailleurs, comme la libération d’emplois étudiants pour des chômeurs (diminution du nombre d’indemnités chômage distribuées). Cette allocation pourrait à terme être supplantée par l’instauration du revenu universel (sans restriction d’âge ou de condition).
La mise en place de cette allocation d’autonomie permettrait à chacun de mieux choisir son parcours (les conséquences d’un échec ou d’une réorientation pèseraient moins sur les familles), éviterait le cumul entre petit boulot et études (avec donc comme externalité positive une pression moins forte sur le marché de l’emploi) et rétablirait une forme d’égalité des chances (minorant les contraintes financières de la poursuite d’études). Le corollaire indispensable de ce système est un vrai service public de l’orientation et une réforme de la fiscalité plus redistributive !
Avec cette allocation d’autonomie, il deviendrait totalement absurde d’augmenter les frais d’inscription dans les universités (ne pas reprendre de la main droite aux étudiants ce qui leur est alloué de la main gauche!). Le lissage vers le bas des frais d’inscription, ainsi que la suppression de tous les frais optionnels est nécessaire. C’est un service public gratuit de l’enseignement supérieur qu’il faut défendre5 !
Garantir des conditions d’études optimales : vers des éco-campus !
Objectifs :
- qualité des services proposés aux étudiants
- responsabilité sociale et environnementale des politiques publiques engagées
Les conditions de vie des étudiants sont loin d’être optimales : pression sur les loyers et insuffisance de l’offre de résidences CROUS, qualité de la restauration au rabais dans les RU, transports publics insuffisants et inadaptés, désinvestissement des centres de santé universitaires, etc.
Si des efforts ont été faits ces dernières années, la réhabilitation des cités U doit être accélérée : en quantité et en qualité. La qualité environnementale du bâti c’est un confort pour les occupants, des économies à moyen terme, une action volontariste face au dérèglement climatique… Construire est une évidence. 50 000 nouvelles chambres doivent sortir de terre, 70 000 rénovées ! Enfin, dans le parc privé, les loyers doivent être encadrés. Une véritable stratégie foncière devra être mise en place avec les universités, les agglomérations et les régions pour limiter les difficultés des CROUS à engager des constructions.
Cette proposition s’articule étroitement avec les précédentes dans une démarche d’autonomie des étudiants vis-à-vis de leurs familles.
Du bio et du local, de la cantine jusqu’au RU ! Avec plusieurs dizaines de milliers de repas chaque jour, les restaurants universitaires sont un vrai levier de développement des produits locaux issus de l’agriculture biologique. Le recours systématique aux produits du commerce équitable est également indispensable. Les CROUS et les collectivités locales doivent s’engager résolument dans une conversion des pratiques : structuration de l’offre, formation des agents, sensibilisation des consommateurs… tout en maintenant des tarifs abordables. Une réforme des marchés publics est nécessaire pour élargir les éco-conditionnalités. Il faudrait également accompagner les projets d’AMAP ou de jardins partagés sur les campus.
Parfois excentrés, les sites universitaires méritent une desserte accrue et adaptée tant pour les modes doux (pistes cyclables, parkings à vélo…) que les transports en commun. Les places de stationnement doivent être restreintes (trop de campus ressemblent aujourd’hui à des parkings géants !). Les régions doivent s’engager volontairement dans une tarification adaptée et multimodale pour les étudiants. La question des transports ne doit pas être prise indépendamment des mutations urbanistiques pour insérer davantage les établissements d’enseignement supérieur dans les villes. L’urbanisme « durable » ça existe !
Les étudiants sont parmi les populations les plus exposées au manque de soins et à l’information en matière de santé. Le développement des centres de santé universitaire est indispensable, notamment pour guider les étudiants vers les soins dentaires, ophtalmologiques, psychologiques/psychiatriques… Ces centres doivent également servir à développer la médecine du travail au sein des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Des ponts sont à créer avec les mutuelles étudiantes dans la promotion de l’accès aux soins et les CROUS pour les questions liées à la précarité étudiante.
La politique de prévention doit être le socle de ces centres : addictions (alcool, tabac, drogues…), troubles psychologiques, sexualité (articulation à développer avec les plannings familiaux par exemple)…
Afin de permettre à des jeunes parents de poursuivre sereinement leurs études, afin d’offrir aux personnels des établissements d’enseignement supérieur des conditions de travail améliorées, des crèches doivent être aménagées à proximité des universités. Spécifiques ou cogérées avec des collectivités locales, des entreprises… elles sont aujourd’hui essentielles !
L’accumulation des réformes gouvernementales a poussé les établissements à privilégier le bâti à la vie étudiante. En pâtissent d’abord la mutualisation des moyens dévolus à la culture et au sport. Pourtant, réussir ses études, c’est aussi l’épanouissement personnel et collectif. La promotion des activités sportives et des pratiques culturelles, pour tous et à tous les niveaux, est également un moyen d’intégrer les étudiants dans la cité. Cela pourrait passer par la promotion d’unités d’enseignement libre. La mixité d’usage des lieux est importante : gymnases, salles de spectacles… doivent autant être accessibles à tous les habitants (et pas aux seuls étudiants). Les campus ne doivent plus être coupés des villes mais participer de leur dynamisme.
Rares sont les bibliothèques universitaires ouvertes en début de soirée. Pourtant, beaucoup d’étudiants gagneraient en confort et en qualité dans leur travail. L’élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques est un objectif à poursuivre dans la contractualisation avec les établissements d’enseignement supérieur. Cette mesure est à mettre en parallèle d’une nécessaire refonte pédagogique des enseignements pour donner toute sa place à l’autonomie intellectuelle.
Les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) sont aujourd’hui incontournables. Mais non pas une fin en soi, leur usage doit être centré sur les besoins des étudiants et des enseignants : compléments de cours en ligne, remises à niveau sur des points précis et identifiés, exercices de préparation collective d’exposés – et donc mise à disposition de lieux équipés et adaptés au travail en équipe –, ressources numériques des BU accessibles par les antennes délocalisées… Une articulation étroite est à établir avec une réforme pédagogique de l’université. L’impact des usages (notamment en terme de santé-environnement pour les réseaux wi-fi et de production de déchets) doit être mesuré.
La connexion des cités U au réseau internet doit encore largement être améliorée.
Faire des étudiants des acteurs de leur parcours universitaire
Objectifs :
- faire des étudiants des citoyens actifs et moteurs de leur parcours
- revitaliser le monde universitaire
La succession des réformes ces dernières années (PRES, LRU…) a considérablement affaibli la place des représentants des étudiants dans les instances universitaires. Sauf à renoncer à une « démocratie universitaire », il est impératif que davantage d’élus étudiants siègent dans les différents conseils. Pour leur permettre de contribuer avec pertinence aux décisions de l’université, il s’agirait de créer un « bureau des élus » (dotés d’appui humain et de moyens matériels). Un droit au référendum d’initiative étudiante pourrait être inventé. Afin d’améliorer la participation aux élections étudiantes, l’organisation du renouvellement des instances universitaires (conseils centraux et CROUS) pourrait se faire simultanément sur tout le territoire sur deux jours et bénéficier d’une vraie promotion médiatique.
Les organisations syndicales étudiantes ont un rôle prépondérant à jouer : dans l’animation citoyenne des universités, dans le relais des attentes des étudiants, dans l’information, et parfois le service aux étudiants, comme interlocutrices considérées aux échelons locaux, régionaux et nationaux. Or, force est de constater leur manque de légitimité et d’attractivité. Par ailleurs le système de financement actuel est injuste et induit des pratiques peu transparentes. C’est pourquoi le Ministère en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche devra rapidement réunir toutes les organisations syndicales pour élaborer avec elles des propositions concrètes afin de pallier ces difficultés.
La valorisation de l’engagement associatif est nécessaire tant l’investissement sur des projets en dehors du seul cursus scolaire est formateur. Pour les engagements les plus exigeants, des aménagements de parcours devraient être envisagés (sur le modèle de ceux dont bénéficient les sportifs de haut-niveau). Plus simplement, des unités d’enseignement libres pourraient exister au sein desquelles les étudiants pourraient inscrire leurs engagements associatifs étudiants, de pompier bénévole, d’élu… Des rendus de projet attesteraient de la qualité des compétences acquises.
Les étudiants ne peuvent rester spectateurs de leurs formations ! Il est essentiel qu’une évaluation des formations (et des formateurs) par les étudiants soit mise en place, au-delà des expériences ponctuelles. Nous pourrions prendre modèle sur de nombreux autres pays. Ces évaluations compteraient pour une part dans les évolutions de carrière des enseignants-chercheurs. De même il est incompréhensible que les étudiants ne participent pas aux jurys de fin d’année. Ce qui est inscrit comme évident dans les collèges et les lycées (les délégués participent aux conseils de classe) ne le serait-il plus dans l’enseignement supérieur ? Les doctorants pourraient également être associés lors des recrutements d’enseignants-chercheurs.
Une politique écologiste se devrait de développer les maisons de la vie étudiante, gérées par eux-mêmes. Lieux de ressources et d’innovation, lorsqu’ils existent, ils sont un poumon (vert !) pour les étudiants. Radios associatives, cafétérias, salles de réunions, pépinières d’associations, guichets uniques, crèches, expositions, etc, beaucoup peut être fait en leur sein. Surtout beaucoup reste à inventer. Ces maisons sont donc à soutenir : financièrement, mais également administrativement (le modèle par une délégation de service public – DSP est problématique).
———–
4 La commission Education d’EELV dans sa note pour l’autonomie des jeunes (avril 2011) utilise elle le terme de « revenu universel d’autonomie » pour les moins de 25 ans. La même idée a déjà été développée, notamment par Fac Verte, sous le nom d’« allocation d’autonomie » ou d’« indemnité universelle de formation ». L’expression « allocation d’autonomie pour les étudiants » à l’avantage de ne pas prêter confusion avec le « revenu universel », mais l’inconvénient de peu se distinguer d’autres mesures beaucoup moins ambitieuses. Le bon intitulé reste à trouver…
2 réflexions au sujet de “Vie étudiante : des étudiants autonomes et acteurs de leur parcours”
Les commentaires sont fermés.